La Ferme du vent, un abri hors du temps à Cancale
Les pieds dans la baie de Cancale, la Ferme du vent offre une parenthèse celtique au rythme des éléments naturels.
Notre immersion dans l’univers de la famille Roellinger débute un jour de tempête. Le vent breton est omniprésent et l’air salé s’infiltre partout. A l’abri, dans notre Kled (du breton “abri à vent”), nous l’entendons gronder, gifler les herbes hautes, tout bousculer sur son passage. On traverse la cour timidement, entre bois et pierres, avec la sensation que ces grandes maisons orientées vers la mer vivent au rythme des astres. À l’intérieur, la cheminée crépite, pendant que la vapeur de l’eau chaude s'échappe de la baignoire. La lumière change au rythme du soleil qui descend. Cette escale, presque poétique, offre la sensation agréable d’être déconnecté du monde tout en étant au plus proche des éléments. La nature est partout et la décoration des lieux invite à faire corps avec elle.
A parcourir le généreux potager de la ferme et la serre aux fleurs délicates, herbes fraîches et arbres fruitiers, on comprend rapidement que ce week-end sera aussi une affaire de palais.
Sur les traces de notre équipage de rêve, on part découvrir Cancale et les environs. À marée basse, il suffit de suivre la côte pour rejoindre Cancale. Ce jour-là, le vent chasse les nuages et révèle, à l’horizon, la silhouette du Mont-Saint-Michel, comme un secret confié par la baie.
Hors saison, Cancale et ses voisines – Saint-Malo, Dinard, Dinan – ont ce goût rare du privilège. Le silence des lieux n’est interrompu que par le crissement des coquilles d’huîtres sous nos pas. Au bout de la jetée, quelques cabanes proposent des dégustations d’huîtres. Ce jour-là, nous préférons le réconfort d’une galette au Breizh Café . A l’étage, on trouve aussi La Table Breizh Café.
On s’engage sur le sentier des Douaniers qui serpente au-dessus de la mer. Le souffle du large nous guide jusqu’à la Pointe du Grouin. À l’heure du goûter, une halte s’impose chez Graine de Vanille, où le mille-feuille à la vanille bourbon est si léger qu’il semble flotter dans notre estomac. Juste en face, l’épicerie de la famille Roellinger rappelle que leur art dépasse les murs de leurs maisons : leurs épices, leur cuisine, leurs créations sont autant d’invitations à voyager. Le petit centre du haut à Cancale est bien plus « charmant » comme le disait mon grand-père que celui de bord de mer avec ces quelques petites boutiques de créateurs comme l’atelier iodée et autres espaces d’expositions. Sur la petite place, trône une belle boutique d’antiquités Dumaine qui cache de jolis objets d’hier et des coquillages qui murmurent des souvenirs marins.
Alors que le vent continue de nous bousculer, nous cédons à l’appel du cocooning et rentrons sagement à la Ferme du Vent pour s’offrir une pause enchanteresse dans ses Bains Celtiques. Chaque créneau est privatisé, garantissant un moment d’intimité et de sérénité absolue. Le rendez-vous est pris dans la longère devant la cheminée monumentale en granit pour débuter cette nouvelle aventure : dans le silence, c’est un véritable voyage intérieur qui nous est offert. On se laisse bercer par le jeu des éléments. Chaque espace est une invitation à ralentir, à respirer et à se reconnecter à soi-même.
Au lever du jour, la tempête Darragh gronde toujours et le service des petits déjeuners en chambre devient une affaire de funambules. Miracle ! Le menu griffonné la veille est toujours là, accroché à la poignée de la porte, défiant les bourrasques. Et voilà qu’un plateau arrive, garni comme un festin miniature : jus détox, paniers de pains qui sentent bon le matin, fromages tout juste sortis de la cave. On se prend même au jeu de cuire nos œufs frais à la minute, dans une cuisine si jolie qu’elle donne envie d’y rester toute la journée, tempête ou pas.
Prochaine escale : le Mont-Saint-Michel. Ce n’est pas ma première visite. J’y suis venue, en poussette, en 1988, pour cet unique voyage à trois, emmitouflée comme un bibendum. Autant dire que mon souvenir est aussi net qu’une photo Polaroid mal cadrée. Alors oui, c’est décidé, nous prenons la route, pour s’y créer des images plus claires Celle qui longe la côte est un voyage en soi : Saint-Benoît-des-Ondes, le Vivier-sur-Mer où les moules attendent d’être embarquées, Cherrueix, et ce polder des Quatre Salines, presque suspendu dans le temps. Les villages sont vides, le hors-saison leur va si bien.
Les parkings sont désertés. La tempête aurait-elle eu raison des hordes de touristes ? Nous avons une idée un peu folle : celle de traverser la fameuse baie à pied. Les rafales nous mordent le visage, mais on avance, tête baissée, épaules rentrées, riant de notre propre absurdité. Et puis, le Mont. Massif, imposant, un rocher presque vivant. Les ruelles sont étrangement silencieuses, comme si elles attendaient quelque chose, ou quelqu’un, pour s’éveiller.
Chez la Mère Poulard, le service tourne au ralenti. Si le feu de cheminée crépite vaillamment, certains maîtres de l’omelette ont, semble-t-il, eux, déclaré forfait. On se réchauffe, on se repose, et on repart.
Le sommet du Mont est une récompense : la mer monte inlassablement en contrebas, l’horizon demeure flou. Pas de poussette, pas de bibendum. Cette fois, c’est un souvenir à deux qui restera gravé, avec le sel du vent et la lumière grise d’un jour de tempête. Et on se dit que peut-être la vraie aventure, c’est celle qu’on ne planifie pas, celle qui vous gifle un peu et vous colle à la peau.
Nous rentrons, rincées mais ravies, comme après une journée au ski : les joues rouges, les muscles fatigués, l’âme essorée. Cette sensation d’avoir respiré plus d’air en une journée que lors des six derniers mois passés derrière un écran. Le genre de fatigue qui fait du bien, celle où l’on se dit qu’on a mérité de ne rien faire ensuite. On retrouve notre refuge, notre Kled, comme on rentrerait au chalet. Ici ce sont les bains celtiques qui réchauffent et non pas le vin chaud. L’eau vient tout laver, tout apaiser. Comme nos hôtes, on se laisse alors porter par nos rêves.
Où dormir ?
La famille Roellinger a su faire de Cancale bien plus qu’une destination, une expérience. Regroupés sous l’enseigne Les Maisons de Bricourt, leurs établissements incarnent cet art de vivre breton mêlé d’aventures et de poésie. Olivier Roellinger, visionnaire des épices et des assiettes étoilées, a fait de Cancale un pèlerinage pour les amoureux du goût. Aujourd’hui, cet héritage est porté avec élégance par son fils Hugo.
Ferme du vent : un refuge face à la baie où le vent est roi et le temps suspendu. Chaque Kled invite à la contemplation.
Le château Richeux : à quelques pas de la Ferme du vent, ce grand manoir des années 1920 partage les mêmes jardins. C’est ici que trône le très réputé Coquillage.
Le Gîte Marin : pour ceux qui cherchent l’intimité d’une maison d’hôtes, ce lieu a tout d’un cocon. C’est la toute première maison de la famille, où l’on se sent accueilli comme un ami de passage, dans un décor empreint d'Histoire et de simplicité.
Où manger ?
Le bistrot de Cancale (Cancale) : Un lieu convivial, parfait pour prolonger une journée dans les vents marins. On y célèbre la cuisine de terroir, simple et généreuse, sans chichis mais toujours avec beaucoup de cœur.
Le coquillage : pour les plus gourmands (Cancale). En 2008, Hugo Roellinger en a repris les rênes, ajoutant une étoile verte (pour ses engagements durables) à cette table déjà doublement étoilée.
Au pied de cheval ou à l’atelier de l'huître (Cancale) : parce qu’ici, on ne plaisante pas avec les fruits de mer. Les huîtres, servies avec une vue sur la mer, sont un passage obligé, mais mieux vaut être bien guidé pour éviter les attrape-touristes.
Bouliche et Tandem (Saint-Malo) : pas intramuros. Une cuisine qui fait la part belle aux produits frais dans une ambiance décontractée et sans prétention.
La Mère Poulard (Mont-Saint-Michel) : une omelette, bien sûr !
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