L'Alentejo, entre terre et océan
Il y a des cartes postales plus faciles à écrire que d’autres.
Il y a celles sur lesquelles on annote, par quasi automatisme, un simple “il fait très beau et l’eau chaude, bisous” et celles qu’on décide de ne pas envoyer, de peur d’ébruiter un secret.
Cette carte postale envoyée de l’Alentejo, c’est celle d’un petit guide du Portugal des portugais, de ceux qui aiment l’eau fraîche (froide) de l’Atlantique et la cuisine à l’huile. L’anti-Algarve défiguré. L’anti-Comporta stylé. L’anti-Lisbonne cosmopolite. L’Alentejo, c’est le Portugal dans son plus simple appareil : des plages et des campagnes qu’on espère voir préservées encore longtemps d’une invasion de cafés pour surfeurs et budha bowls pour yogis en retraite spirituelle.
Chaque année, c’est la même rengaine à l’approche de la fin de l’hiver : où partirons nous cet été? Tenterons nous l’expérience de la Méditerranée pour ses eaux calmes et chaudes. Où irons-nous pour la énième fois nous faire bousculer par les vagues d’un océan agité? Laisserons nous les salades grecques nous tenter plutôt que les sardines grillées? Chaque année, l’hésitation fait rage mais ce sont les habitudes qui finissent par triompher. Passé le deuil d’un ciel bleu assuré et de quelques brasses bien méritées après une année à surnager, on attrape à la hâte les clés de la Fiat 500 de location que l’on sait beaucoup trop inconfortable pour les kilomètres et les routes parfois poussiéreuses qui nous attendent. Finalement, elle aussi on est content de la retrouver. On quitte l’aéroport avec le sentiment d’être dans le bon siège pour commencer la route des vacances.
Il y a des destinations qui vous collent à la peau comme le vieux jean de vos 25 ans. On a beau l’user et en racheter des plus neufs, plus bleus, plus stretch, finalement il reste notre préféré. Parce qu’on le connaît ou parce qu’on s’obstine à vouloir rentrer dedans comme une victoire sur les années qui passent, il a ce petit truc en plus qui nous fait nous y attacher comme une moule à son rocher.
L’Alentejo a ce même goût rassurant : celui d’une routine estivale bien rodée qui fait prendre quelques kilos sans jamais décevoir. L’été des chênes lièges dénudés de leur écorce et des plages sauvages. L’été des routes qui frémissent sous l’effet de la chaleur et des corps grelottant au sortir de l’eau. Celui des nationaux qui reviennent aux sources et celui des touristes bien inspirés, lassés des plages bondées, des tapas ou de la feta. Ce n’est pas la dolce vita mais on s’attarde longtemps en terrasse. On profite du soleil jusqu’à ce qu’il s’épuise d’avoir trop chauffé. On cale sa tente de plage en fonction du vent et, avec lui, on tourne toute la journée pour éliminer les beignets sucrés et fourrés des vendeurs des sables.
Nous voilà donc, littéralement, au-delà du Tage. L’Alentejo a le parfum de la crème solaire mais aussi du travail de la terre. Près de Villa Nova de Milfontes, un bon point de chute pour explorer nos plages préférées, on respire l’air marin comme l’odeur des vaches dans les champs. On se laisse tenter par quelques endroits à la mode avant de retrouver les tavernes familiales (plus si) secrètes où déguster le fameux porco alentejana (petits morceaux de porc avec des palourdes et des pommes de terre sautées).
En Alentejo, il n’y a ni ferry à attraper, ni vraiment grands sites historiques à visiter. On profite d’une douceur de vivre un peu singulière, entre terre et océan. On y trouve des églises, bien sûr, et beaucoup de villes fortifiées, témoins des nombreux envahisseurs qui ont menacé les plaines de l’Alentejo. L’Histoire qu’on raconte dans les livres ne s’est pas faite ici, mais d’autres plus modestes peut-être s’y vivent au quotidien. Près de l’océan, le monde agricole est en manque de main d'œuvre et voit les politiques se transformer pour favoriser l’accueil des travailleurs des anciens comptoirs portugais dont la culture vient petit à petit se mêler à celle d’une région très traditionnelle. Dans les terres, c’est carrément le renouveau : les hôtels, pas toujours de bon goût, pullulent pour faire face à la demande croissante d’un tourisme “local”, qui se veut plus proche des traditions d’un pays qui en est très fier.
Entre villages balnéaires et villages médiévaux, l’Alentejo a beaucoup à offrir : on visite Arraialos, réputée pour ses tapis aux motifs orientaux, son château et ses jolies maisons blanches.






On pousse aussi les portes d’Elvas : du haut de ses murailles, c’est l’Espagne qu’on voit à quelques envolées d'hirondelles. Les murailles de la ville gardent toujours la route vers Lisbonne. On s’arrête également à Evora, la culturelle, d’où l’on peut partir en croisière privée sur le lac Alqueva.
Pour un autre “nid d’aigle”, direction Monsaraz, là aussi à quelques kilomètres de la frontière qui sépare les deux nations de la péninsule, dans une région où les blocs monolithes décorent de grandes étendues de paille séchées par le soleil. Au risque de faire des comparaisons hasardeuses, l’Alentejo est probablement au Portugal ce que la Toscane est à l’Italie.
Côté océan, Porto Covo se remplit rapidement l’été mais jouit de jolies criques épargnées des vagues les plus fortes. En descendant la côte, on se love au creux des falaises de la Praia dos Alteirinhos, juste après le village de Zambujeira do Mar. On se laisse bercer par le bruit des mouettes et des vagues sur la Praia do Malhão. Au printemps, la promenade pour accéder aux différentes alcôves de la plage est bordée de multitudes de fleurs sauvages et de mimosa dont les couleurs vives viennent rehausser le bleu de l’eau. Plus bas encore, aux portes de l’Algarve (celui qu’on aime), on atteint le petit village d’Odeceixe, son vieux moulin, es maisons blanches et sa plage qui profite, à marée basse, de petites lagunes très appréciées des plus frileux.




Raconter l’Alentejo comme un seul et même lieu, une seule et même ambiance est impossible. Il faut goûter à tout pour définir ce que l’on préfère. Heureusement, Vendredi a listé ses endroits préférés :
Où manger
Cavalariça (Evora) : à l'ombre d'un bougainvilliers dans la cour pavée d'un palais privé. Le décor est signé Jacques Grange. Les classiques de la région sont dépoussiérés pour une cuisine ensoleillée et créative. Une réussite !
Tasca do Celso (Villa Nova de Milfontes) : pour goûter un des meilleurs porc à l’alentejana des alentours ainsi que des poissons tout frais. Ne ratez pas les desserts et plus spécialement les “œufs en neige” qu’on appelle ici les farofias. Réservation très conseillée.
O Amândio (Villa Nova de Milfontes) : à l’écart de Vila Nova de Milfontes, en bord de route, une pépite pour les amateurs de cuisine locale dans des portions très généreuses !
O Passarinho : c’est probablement au moins en partie pour elles, la mère et la fille qui gèrent ce petit restaurant sans prétention, plus proche du bar PMU que du dîner fancy, que nous revenons chaque année. On grandit avec des odeurs qui marquent à vie : mes doux souvenirs d’enfance se ravivent entre les murs de ce petit bar où il faut arriver suffisamment tôt pour espérer s’y attabler. A peine la porte passée, c’est l’odeur de la soupe de légumes de ma grand-mère qui me fait chavirer. Les frites maison ont le même goût que celles qu’elle faisait et que j’allais voler en soulevant le papier d’alu le plus discrètement possible, jusqu'à ce que je comprenne qu’en réalité elle adorait que je chaparde. Ne passez pas à côté du VRAI goût du Portugal si vous êtes dans la région : la cuisine du cœur !
Où dormir
Coté océan :
Três Marias : idéalement située, à mi-chemin entre Porto Covo et Vila Nova de Milfontes, Três Marias est une maison de campagne au pied des collines de la Serra do Cercal. Les chambres sont réparties sur deux bâtiments complémentaires, séparés par des champs où paissent des ânes, des moutons et même des autruches.
Herdade da Matinha : une maison d’hôtes élégante et chaleureuse qui s’est beaucoup agrandie récemment. Choisissez une chambre dans la Family farm house pour profiter du calme de la campagne environnante. Pour venir : roulez au pas au milieu des bottes de foin et des eucalyptus car la route est un peu bumpy.
Cabeça da Cabra (Porto Covo) : une maison d’hôtes atypique. Il s’agit d’une ancienne école primaire abandonnée qui a été totalement rénovée dans la campagne entourant Porto Covo. Les chambres sont épurées mais charmantes et le petit déjeuner y est succulent !
Coté terre :
São Lourenço do Barrocal : c’est le cœur d'un ancien petit village agricole au pied du village de Monsaraz. Le domaine de 800 hectares a été transformé en un luxueux hôtel par la huitième génération de la famille Uva à avoir vécu sur la propriété. Un de nos hôtels préféré au milieu d’une nature authentique. explorez les alentours le matin et profitez de la piscine pour faire redescendre la température après la sieste.
Villa Extramuros : on a déjà parlé sur Vendredi de ce petit refuge au milieu d’une jolie campagne à quelques kilomètres de la charmante ville d’Arraiolos. Une maison design tenue par un couple franco-belge des plus accueillants, où déconnecter totalement. On le répète : on adore !
Alentejo querido! Vous le décrivez bien… et me donnez envie de faire un petit saut pour retrouver la douceur Alentejana 👌
Très beau récit, envie de découvrir cette région.