L'Égypte à tout prix
Pays du surtourisme par excellence, L'Égypte nous a bousculés. Il aura fallu plusieurs semaines pour digérer ce voyage, tenter de le retranscrire aussi fidèlement que possible.
Il a d’abord fallu passer la déception d’un voyage dans un pays où nous n’avons vraisemblablement pas trouvé ce que ceux qui le vantent étaient venus y chercher.
Ne vous méprenez pas, l’Égypte est très belle. L'Égypte fascine, aimante et fait fantasmer de par ses paysages et sa riche et longue histoire. Une folle passion qu’on perçoit rapidement au son des cannes et autres aides à la marche venues battre le pavé des pharaons. Comme s’il fallait voir l’Égypte à tout prix. Cocher une case de la liste des “ x lieux à voir dans sa vie”. Se rêver Dieu ou Cléopâtre, peut-être même les deux. Et mourir tranquille.
Seulement voilà, l’Égypte n’a pas réussi à nous faire oublier les appréhensions de départ, cette angoisse d’un voyage du surtourisme. Le voyage standardisé du catalogue Fram ou Kuoni, celui des files d’attentes, des américains qui parlent fort et des français qui se prennent pour Indiana Jones sur des chameaux branlants.
Conscient de ce que nous voulions éviter, nous avions pourtant pris le soin de réfléchir à un itinéraire qui pourrait correspondre à nos attentes. Comme souvent, et encore plus cette fois-ci, le voyage a donc commencé, bien en amont, au moment d’élaborer notre modeste périple.
Parce qu’on sait l’Égypte très (trop) touristique, on craignait forcément de ne pas expérimenter ce qu’on imagine être la vraie Égypte. Sans faire l’impasse sur LES lieux à voir, il nous fallait nous écarter des croisières en carton qui promettent aux apprentis égyptologues de découvrir des villages supposément isolés, pourtant listés dans la plupart des packages des voyagistes qui comptent. Des villages qui nous ne semblaient pas plus authentiques que les stylo Bic qu’on fait offrir pour soulager les consciences d’occidentaux bien nés.
C’est pour éviter les fausses soirées folkloriques, le voyage en groupe et le rythme qu’il impose que nous avons assez rapidement exclu la croisière au long cours sur le Nil. Si le fleuve fascine, nous voulions l’appréhender autrement. Peut-être moins complètement, mais au rythme du vent et du courant plutôt que remorqué par un bateau à moteur avant d’amarrer au milieu des paquebots de croisière haut de plusieurs étages. Nous n’étions définitivement pas prêts à céder au chant des convaincus du “tout inclus”.
On a très vite regretté le confort d’une cabine depuis le matelas de notre felouque, tanquée sur une rive à la belle étoile, nous faisant réveiller toute la nuit par le bruit des autres bateaux, du vent qui frappe les drapeaux et des estomacs qui n’ont trouvé aucun repos. Mais la cabine n’allant jamais sans compagnon de pontons, nous repartons avec la satisfaction d’avoir créé des souvenirs indélébiles, hilares et unis dans l’adversité de cette nuit sans fin, sur les rives d’un Nil vivant, sans « crocroco », entre Assouan et Esna.







Peut-être qu’à ne pas vouloir lâcher prise nous nous sommes empêtrés, en peu de jours, dans un voyage qui au contraire demande de prendre son temps. Avec le recul, on comprend que pour saisir ce qu’est l’Égypte, on ne part pas 10 jours à courir du Nord au Sud, en tentant d’en comprendre les contours. L’Égypte demande plus de temps, plus d'investissement aussi. Il est vrai que les temples sont beaux mais lorsqu’on a oublié l’intégralité de sa mythologie, il est plus difficile de s'intéresser “vraiment” aux plafonds gravés et murs colorés.
L’Égypte nous a donné un aperçu de ce qu’elle peut offrir : des endroits mythiques, une population adorable et bienveillante, des couleurs partout et une effervescence incandescente. Il faudra revenir. Prendre de nouveaux chemins de traverse. Ecouter les conseils de ceux qui savent.
Pour ce voyage, nous nous étions entourés de Marion qui a monté son agence de voyage après avoir vécu plusieurs années en Égypte. A refaire, probablement que nous l’écouterions encore plus. Marion sait éviter les circuits clichés et propose toujours de belles alternatives aux autoroutes à sacs à dos. Si la felouque ne nous a pas conquis c’est probablement aussi parce que nous avons voulu précipiter les choses. N’y passer qu’une nuit. Ne pas remonter jusqu’à Louxor. Plutôt que de se laisser voguer au vent, nous avons pris le travers d’une génération pressée, qui court déjà au quotidien et qui n’arrive plus à ralentir en vacances. Le taux de cortisol à son max et croyant pourtant choisir un séjour plus doux que l’option “1 jour - 1 ville”, nous nous sommes probablement aventurés dans un entre-deux, qui, comme tout compromis, n’est jamais complètement satisfaisant.
Est-ce à dire que nous regrettons cette destination ? Certainement pas. On a été éblouis par le temple d’Esna. Malgré le froid et la nuit infernale, on concède même que remonter le Nil reste mythique. Le Caire et ses pyramides, qui feront l’objet d’une autre carte postale, ont assurément récolté tous nos suffrages. Le temple de Louxor et les traversées en voiture à travers la poussière au rythme de villages et villes parfaitement désarticulés resteront gravés dans nos mémoires de voyageurs. On serait resté des heures au croisement de deux ruelles à contempler la vie qui passe, du vendeur de café ambulant aux troupeaux de chèvres qui traversent sans attendre qu’on les y autorise.
On se retourne sur les petits commerces : les volailles attendent dans leurs cages une fin certaine lorsqu'à quelques mètres plus loin, un mouton est débité en pièces détachées. Assis derrière la fenêtre de notre van, on ne peut s’empêcher de capturer quelques fragments d’un quotidien qu’on devine besogneux mais heureux. Il y a dans les regards qu’on capte un savoureux mélange de légèreté et de responsabilité, qui se mesure à la multitude de silhouettes voûtées des travailleurs dans les champs alimentés par les limons du fleuve.



On reste parfois de longues minutes silencieux, spectateurs d’une pièce de théâtre où le regard lutte à se poser tant l’animation est partout. On voudrait pouvoir se fondre au milieu de cette agitation et l’observer pendant des heures. Le bruit vibrant de l’extérieur tranche avec le silence reposant de notre chambre d’hôtel. Nous rentrons tout à la fois vivifiés par ces images nouvelles et frustrés d’avoir gardé cette place de spectateur.
A Assouan, les bateliers donnent une toute autre dynamique aux paysages jusqu’ici traversés. Véritable fenêtre sur le Nil, Assouan est le port de départ ou d’arrivée de nombreux bateaux de croisières. La balade en ville et au souk offre une première immersion dans une ville qui sait manier l’économie du tourisme tout en gardant une certaine authenticité. Les pains sèchent sur les étals du souk. Les vendeurs de fausses pierres se mêlent aux vendeurs de fruits.



Les champs verts de Louxor contrastent fortement avec les paysages de calcaire qui la bordent. Depuis la terre ferme, la vallée des rois nous a semblé plus étouffante qu’elle ne doit être grandiose depuis le ciel. On recommande fortement le tour en montgolfière que nous n’avons pas souhaité faire par snobisme ou par flemme de se lever aux aurores. Mais, pour apprécier l’Égypte, nul doute désormais qu’il faut se lever tôt et hors vacances scolaires pour éviter la horde de minions à casquette, le défilé des téléphones à clapet. C’est probablement le seul moyen d’en profiter pleinement.
Alors oui, on est loin des images d’Épinal de la dernière campagne Jacquemus mais nous ne renoncerons pas à l’Égypte. Nous reviendrons faire les choses autrement sans essayer de se battre contre un surtourisme bien plus fort que nos idéaux de voyage.
L’Égypte nous a au moins enseigné qu’il faut se faire sa propre expérience quitte à la rater un peu. Mais rater c’est apprendre à découvrir et à se découvrir, peut-être est-ce finalement cela le but du voyage.



Quelle croisière choisir ? Nour El Nil et Lazunil avaient presque fini de nous convaincre de sauter dans leurs bateaux.
Pour une croisière plus intimiste et plus authentique, faites appel à Marion pour qu’elle vous organise un séjour sur mesure en fonction de vos envies et de votre programme. Marion a une grande connaissance de l’Égypte et des temples qui ne figurent pas sur les “to do” des agences classiques. Elle est très disponible et facilite grandement l’organisation d’un séjour en d’Égypte qu’elle sait ponctuer de jolies pépites comme la visite d’un champ de tomates soutenu par US AID. Sous le soleil égyptien, les tomates sont séchées et envoyées partout dans le monde, plus spécialement en Italie (le comble) et au Brésil. Nous avons également été déjeuner dans un village nubien, loin du cliché Instagram, seuls touristes sur l’île. Un bonheur.



Où dormir
À Louxor, sans aucune hésitation, à Al Moudira. Niché au cœur des terres agricoles de la rive ouest de Louxor, l’hôtel est une véritable retraite au plus près des sites à visiter. La décoration de ce palais est très soignée. Sortie de l’imaginaire de la créatrice italo-libanaise Zeina Aboukheir, l’hôtel a été dessiné par l’architecte égyptien Olivier Sednaoui. Devenu membre du groupe Egypt Beyond en 2022, Al Moudira s’est agrandi tout en conservant son charme et sa tranquillité.






À côté d’Assouan, sur une île face au temple de Philae, dans des chambres aux murs de terre cuite : Eco Nubia. Un écolodge au milieu du Nil, entre les deux barrages d’Assouan. Les dîners y sont très savoureux, ce qui ne gâche rien.
