Olhão, ou les îles qu’on devine
L'odeur des sardines grillées, le bruissement des fleurs des bougainvilliers et le bruit sourd des moteurs des ferries qui partent pour les îles : le seul Algarve que l'on aime.
Encore très confidentielle il y a quelques années, Olhão (entraînez-vous à le prononcer) prend son envol et s’émancipe définitivement de sa grande sœur, Faro, située à seulement 15 minutes de là.
Elle a cette humilité qu’a perdue la grande ville. Ses couleurs subliment le charme d’un pays qu’on voudrait figé dans le passé. Se mélangent ici pêcheurs et artistes, natifs ou adoptifs venus chercher le soleil d’une des régions les plus ensoleillées d’Europe. Les amoureux des fruits de mer partagent leurs coquillages avec ceux qui fuient les restaurants bondés des villes alentour comme Lagos ou Albufeira.
Protégée de l’Atlantique par la lagune Ria Formosa qui la fournit en poissons depuis des siècles, Olhão est tournée vers l’océan mais toute proche des plages de la Méditerranée, de l’autre côté du détroit de Gibraltar. Les bougainvilliers s’écrasent sur les toits carrés des casas cubistas, qu’on attribue au passage des Maures et qui donnent à ce village un côté plus oriental que méditerranéen. On se perd avec rêverie dans son labyrinthe de ruelles et de places pavées à la recherche des nouvelles adresses de ce village en pleine transformation. C’est un autre Portugal (encore un) qui se réveille tout doucement : celui d’une ville à l’architecture traditionnelle touchée par un esthétisme contemporain. Nous avons presque été surpris par la modernité de ce tout petit coin (littéralement) du Portugal, impulsée par une nouvelle génération d’architectes locaux qui, dans le soucis de préserver l’héritage du passé, transforment la région en nouveau petit paradis à la mode.






Sur les larges quais de la Ria Formosa, le marché couvert historique d’Olhão est l’endroit parfait pour découvrir ce que les eaux ont à offrir et se poser, le soir venu, face au coucher de soleil, en picorant des tremoços.
Outre que le centre d’Olhão est une parfaite excuse à la flânerie, la ville est surtout un prétexte pour visiter ses îles, coincées entre lagune et océan. Un dédale de canaux, parc naturel classé et protégé, qui a autant fait notre bonheur que celui des flamants roses et autres martins pêcheurs.
Sur le port, on embarque pour : Ilha da Culatra, Ilha Fuseta, Ilha do Farol, Ilha da Armona… (Attention la même île peut porter plusieurs noms selon que vous êtes débarqués d’un côté ou de l’autre de l’île). Ces îles ont un goût de sérénité et d’apaisement bien mérité. On traverse l'île de Culatra en empruntant le chemin de caillebotis pour rejoindre le sable fin de sa plage principale, à l’opposé de l’embarcadère. On joue les Robinsons sur Praia da Barra Velha.
Il est bien rare que les escapades portugaises de Vendredi ne durent que le temps d’un weekend et il n’était donc pas question de déroger à la règle. On poursuit ainsi notre exploration de la région en poussant jusqu’aux marais salants de Fuseta où les mouettes nous font un accueil bruyant et volent au ras de nos têtes, manifestement déterminées à nous montrer qu’elles sont ici chez elles.
En longeant la côte, à Pedras Del Rei, on prend notre ticket de comboio, direction l'île de Tavira et sa plage, Praia Do Barril. Ce train pas comme les autres, utilisé par les portugais et les touristes, cahote à un rythme qui laisse largement le temps à la détente. On a l’impression d’avoir 8 ans de nouveau, quand on partait au Cap d’Agde et que l’attraction préférée restait ce petit train de plage au look kitsch avec sa cloche dorée. Sauf qu’ici, la plage invite à une réelle déconnexion. Pas de serviettes qui se chevauchent. (Pas de chouchou non plus, dommage). Nos voisines les plus proches ? Les ancres des anciens thoniers plantées dans le sable des dunes.
A quelques kilomètres plus à l’est, on s’arrête à Tavira pour y acheter de la jolie vaisselle (moitié moins chère qu’au BHV) de la marque au nom évocateur Casa Cubista. Peu urbanisée et dominée par un château maure, Tavira ne compte pas moins d’une quarantaine d’églises (n’oublions pas que nous sommes au Portugal!). Il flotte dans ses ruelles un esprit bohème et oriental que nous n’avions pas encore rencontré dans ce pays qu’on a déjà pourtant beaucoup traversé.


Plus proche encore de la frontière espagnole, le minuscule et charmant village de Cacela Velha, aux façades blanches, où le temps semble s’être arrêté. Perché sur une colline, surplombant la Ria Formosa, Cacela Velha est un secret bien gardé, à l’écart des touristes. Depuis l’église, on distingue son île éponyme, accessible à pied à marée basse. Un service de navette à travers la lagune est mis en place tous les jours en été et de manière beaucoup plus aléatoire hors saison. Nous nous surprenons à ralentir le pas pour espérer profiter de ce tout petit endroit aussi longtemps que possible. Nous n’avons pas vraiment soif mais poussés par cette envie de faire durer le moment, nous nous arrêtons sur la petite place (plutôt un parking en fait mais qu’importe). Face à la lagune, on se verrait bien y prendre notre café (un peu trop dilué) chaque matin. Peut être même vivre reclus, ici, quelques semaines par an, loin des métros bondés et des bousculades matinales. Regarder les barques et les pêcheurs passer au rythme des marées. Se mêler à ceux qui ont compris l’importance de prendre son temps tant parfois il finit par manquer terriblement. Se perdre dans le silence d’un village qui ne regarde que l’horizon. Comprendre à cet instant précis que les chaises en plastique rouge estampillées “Sagres” valent bien plus que tous les endroits à la mode.





Où dormir
A Olhão :
Convento : une maison de famille, s’apparentant presque à un Riad marocain, avec terrasse et piscine sur le toit pour admirer le large et les toits blancs d'Olhão.
Casa Ceu : une maison d’hôtes qui offre de belles chambres confidentielles très bien décorées. Sa terrasse sur le toit en fait aussi un excellent spot pour y admirer le coucher du soleil.
Casa dos Mercados : en face du marché d’Olhão, très proche de l’embarcadère pour les îles. Un Bed & Breakfast tout neuf qui propose dix suites modernes dont certaines sont équipées d'un coin salon. Vous pouvez aussi privatiser l’endroit en famille ou entre amis.
Près de Tavira, on dort à l’Hospedaria : un ancien magasin en bord de route qui à partir de 1917 et pendant des décennies a servi de lieu d'échange et de vente des produits agricoles régionaux. Rénové avec goût et désigné par le collectif d’architectes Atelier RUA, fondé en 2006 et dont la renommée n’est désormais plus à faire dans la région. La Pensão agricola, qui appartient aux mêmes propriétaires, est située à quelques kilomètres de là. Cette ancienne ferme rénovée en 6 chambres d’hôtes est idéalement entourée d’oliveraies, de figuiers, d’amandiers et d’arbousiers.
Où manger
On mange du poisson frais un peu partout pour des prix plus ou moins raisonnables. Comme partout au Portugal, ne vous attachez pas trop à la décoration de la salle et regardez surtout les assiettes qu’on y sert. Deux adresses un peu plus “coup de cœur” que les autres :
À Do Fernando : des assiettes généreuses où déguster des spécialités du sud du Portugal : poulpe, calamar, sardines grillées ou bacalhau (morue) à toutes les sauces.
Chà Chà Chà : une cuisine portugaise moderne à partir de produits locaux de qualité dans une jolie ruelle. Ambiance tapas à accompagner d’un Porto Tonic à tomber.
Fun fact : La croyance populaire veut que “Olhão” soit une modification du nom commun “olho” (œil en français), car la région possédait de nombreux “yeux d'eau”, des sources ou puits de grand débit.